Chambre noire (2ème série)

Je suis « entré en photographie » par les gestes de l’argentique et les rituels de la chambre noire. J’avais 12 ans. Je me souviens : les manipulations attentionnées du négatif, l’adaptation à l’obscurité rougie par la lampe inactinique, l’image inversée, la table de l’agrandisseur, ce petit îlot de lumière dans un grand bain de noir, l’apparition de la première image, source parfois de bien plus de mystères et d’étrangeté que celle qui se révèlera imprimée au final. Tout cela nous confrontait au temps et à l’attente. Aujourd’hui, l’immédiateté du résultat trop souvent nous est imposée comme allant de soi. Elle force l’image, sans épreuve ni cheminement, à se soumettre trop vite à nos yeux.

Ce sont ces émotions que je cherche à raconter ici dans un traitement particulier de mon sujet de prédilection : les arbres. La fréquentation assidue de ces géants, l’ombre dense et accidentée des troncs, la folie de l’enchevêtrement des branchages se déployant à la lumière, les chairs mises à vif par la foudre ou la tronçonneuse… La foule hirsute des anonymes ou le sujet majestueux, écrasant, ayant fait le vide autour de lui, ou encore le petit qui pousse de travers, comme il peut… tout cela me parle de notre humanité et m’inspire.